Antigone - Jean Anouilh
Quatrième de couverture :
Après Sophocle, Jean Anouilh reprend le mythe d'Antigone. Fille d'Oedipe et de Jocaste, la jeune Antigone est en révolte contre la loi humaine qui interdit d'enterrer le corps de son frère Polynice. Présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité.
Mon avis :
Antigone, certainement mon mythe préféré … Après avoir adoré la version d’Henry Bauchau, romancée, je me devais de lire celle d’Anouilh. Autant dire que je n’ai pas été déçue car, si la version d’Anouilh n’a pas la puissance artistique, l’hommage aux arts et à la lumière fait dans la version de Bauchau, on retrouve une Antigone, plus fragile, moins sure d’elle et un Créon un peu moins manichéen mais toujours cette puissance propre au mythe.
Antigone est pour moi une œuvre que chacun devrait avoir lu dans sa vie. Modèle de « jusqu’au-boutisme », de volonté et surtout de libre-arbitre. Un mythe transposable à n’importe quelle époque, chaque fois un peu plus d’actualité. Du mythe antique de Sophocle, aux versions du XVIème siècle lors des guerres des religions, le mythe n’a cessé de perdurer. Ici, le contexte est particulier puisque Jean Anouilh a écrit sa pièce en 1944, pendant l’occupation allemande, Antigone prend un nouveau sens mais garde ses valeurs qui s’adaptent si bien au fil des siècles. La résistance ! Le libre-arbitre ! Ce sont les valeurs fondamentales de cette pièce, Antigone, admirable, se bat pour ce qu’elle croit, jusqu’au bout. A la fois d’une force sans limite et d’une fragilité particulièrement humaine, d’une naïveté et d’un réalisme troublant, on se met dans sa peau et, comme elle, on voit tout en noir et blanc. Elle connait l’issue, sa mort, inexorablement, mais elle est affirme ses convictions tout le long de la pièce, contre tous, contre la raison.
« Créon - […] Que peux-tu donc, sinon t’ensanglanter encore les ongles et te faire prendre ?
Antigone - Rien d’autre que cela, je le sais. Mais cela, du moins, je le peux. Et il faut faire ce que l’on
peut. » p.71
Certains ont assimilé le Créon de cette pièce à Pétain ou Pierre Laval mais peut-importe les versions, les siècles, les époques, Antigone reste l’allégorie de la résistance. La pièce est très courte, même pas 150 pages et pourtant elle possède une puissance évocatrice du mythe. On en sort chamboulés, un peu patraques avec la seule envie de se lever et de crier, de se révolter et de montrer, enfin, ce que l’on veut, ce en quoi on croit. Le style d’Anouilh, loin d’être antique est très contemporain, des mots courants apparaissent, de ci, de là, signe que le mythe est intemporel. Anouilh est plus tempéré que Bauchau en ce qui concerne Créon. Là où Bauchau le présente comme le « méchant » de l’histoire, qu’on ne peut s’empêcher de haïr, Anouilh met l’accent sur son devoir de roi. Il a dicté un ordre, il doit s’y tenir même si cela veut dire condamner sa nièce. On sent son impuissance et la façon dont il voit la vie est certes moins exigeante que la vision qu’en a Antigone mais n’en est pas moins défendable. Enfin, cet amour admirable, d’Hémon et d’Antigone, contre la mort, au-delà possède lui aussi une force impressionnante. Le vrai amour, simple mais entier, indestructible et pourtant passionné qui donne envie d’aimer.
Un mythe fort, très bien repris par Jean Anouilh et que j’ai lu en une soirée, complètement emportée, on ne peut que désirer posséder la force morale d’Antigone mais surtout son humanité. Je ne peux dire que j’ai préféré cette version à celle de Bauchau, ni même l’inverse. Simplement vous recommander de les lire toutes deux car elles sont magnifiques.